Louis Pasteur et le hasard.

     « Sans la théorie, la pratique n'est que la routine donnée par l'habitude.  La théorie seule peut faire surgir et développer l’esprit d’invention.  C’est à vous surtout qu’il appartiendra de ne point partager l’opinion de ces esprits étroits qui dédaignent tout ce qui dans les sciences n’a pas une application immédiate.  Vous connaissez le mot charmant de Franklin.  Il assistait à la première démonstration d’une découverte scientifique.  Et l’on demande autour de lui :   Mais à quoi cela sert-il ?  Franklin répond :  « À quoi sert l’enfant qui vient de naître ? »

     « Savez-vous à quelle époque il vit le jour pour la première fois, ce télégraphe électrique, l’une des plus merveilleuses applications des sciences modernes ? C’était dans cette mémorable année 1822, Oersted, physicien danois, tenait en mains un fil de cuivre réuni par ses extrémités aux deux pôles d’une pile de Volta.  Sur sa table se trouvait une aiguille aimantée, placée sur son pivot, et il vit tout à coup (par hasard, direz-vous peut-être, mais souvenez-vous que, dans les champs de l’observation, le hasard ne favorise que les esprits préparés), il vit tout à coup l’aiguille se mouvoir et prendre une position très différente de celle que lui assigne le magnétisme terrestre.  Un fil traversé par un courant électrique fait dévier de sa position une aiguille aimantée.  Voilà, Messieurs, la naissance du télégraphe actuel.  Combien plus, à cette époque, en voyant une aiguille se mouvoir, l’interlocuteur de Franklin n’eût-il pas dit :  « Mais à quoi cela sert-il ? » Et cependant la découverte n’avait que vingt ans d’existence quand elle donna cette application, presque surnaturelle dans ses effets, du télégraphe électrique. »
 
 

Extrait d’une conférence prononcée le 7 décembre 1854 par Louis Pasteur lorsqu’il 
fut nommé professeur et doyen de la nouvelle Faculté des sciences de Lille. 
 

Renée Vallery-Radot, La vie de Pasteur,  (Paris :  Hachette, 1927) 88.
 

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